La contre-révolution se raconte la Révolution (2023-2024)
Séminaire M2 et doctoral de l’IHRF–IHMC / IUF
sous la direction de Pierre Serna et Baptiste Roger-Lacan
avec la collaboration de la BnF / Bibliothèque de l’Arsenal
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1er semestre 2023-2024
Les mercredis de 17 h à 19 h
Salle Marc Bloch
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
17, rue de la Sorbonne, Paris 5e
Contact : pierre.serna@wanadoo.fr
Le séminaire de l’IHRF poursuit sa réflexion quinquennale sur les façons d’écrire la Révolution au moment où se déroulent les faits et cette année en élargissant la focale jusqu’au xxe siècle. Les questions posées demeurent, mais quelques pistes ont été ouvertes sur la façon dont les actrices et les acteurs s’emparent d’un objet contemporain ou passé pour le disséquer, le raconter, le critiquer, le défendre et le remettre en perspective, le plus souvent par rapport à leur combat.
Ainsi il est apparu que chaque génération avait rejoué à sa manière une des facettes de la Révolution et que ce point zéro, celui de « redépart » de l’histoire de France avait pu focaliser les attentions et les façons de concevoir, non seulement la décennie révolutionnaire, mais aussi la conception du temps et la construction d’un horizon d’idéalité qui renvoyait aux futurs des révolutions à venir, fondées sur la matrice de 1789 et celle de 1792. Dans cette compétition pour s’imposer par l’écriture dans l’histoire passée et à venir des révolutions, les détracteurs de la Révolution ont rapidement construit une rhétorique efficace, mordante, voire victorieuse quant aux nombres de livres diffusés et publiés. Une bataille à front renversée s’est imposée qui a pu fausser le sens de l’histoire de la Révolution elle-même comme si elle échappait dans les faits à ses ennemis et passait, en revanche sous leur pouvoir au moment de la raconter. Certes une grande tradition républicaine de Jules Michelet à Michel Vovelle, directeur scientifique du bicentenaire, a bien existé, mais une contre tradition du récit révolutionnaire de Chateaubriand à Pierre Chaunu, n’a eu de cesse de produire des textes d’une histoire anti ou contre-Révolutionnaire, qu’il ne faut méconnaitre à moins de passer à côté de l’histoire de la Révolution. Quelle est l’histoire de cette contre tradition ? Son style, ses figures, ses invariants, ses originalités, ses actrices et acteurs ? Ce sont ces questions qui seront soulevées cette année dans le cadre de cette réflexion sur la Révolution comme un art d’écriture et d’engagements à la fois.
Longtemps, l’histoire de la Révolution a pu apparaître « comme un ring sur lequel il n’y aurait eu qu’un seul boxeur distribuant des coups à l’aveugle et se blessant lui-même à la fin » (cf. Jean-Clément Martin, « Un bicentenaire en cache un autre. Repenser la Terreur ? », Annales historiques de la Révolution française, no 297, 1994, p. 520). Si la contre-révolution était absente du récit, c’est aussi les récits contre-révolutionnaires de la Révolution qui étaient absents de l’historiographie de la période. Pourtant, des années 1790 à l’époque la plus contemporaine, les adversaires de la Révolution française — dont les affiliations partisanes et les mythologies peuvent être très diverses — n’ont jamais cessé de la raconter. Ce récit servait plusieurs fonctions. Justifier le combat contre la Révolution et son héritage en rappelant ses crimes, conséquences des idées perverses qu’elle avait portées au pouvoir. Commémorer les violences dont les contre-révolutionnaires ou ceux qui avaient été assimilés à la contre-révolution avaient été victimes : cette fonction enchâsse des mémoires très diverses, géographiquement (comme c’est le cas en Vendée) ou socialement (comme c’est le cas au sein de la noblesse) situées. Par-là, les récits contre-révolutionnaires de la Révolution servent à assurer la cohésion socio-culturelle des différents groupes qui, par tradition et par conviction, rejettent l’héritage révolutionnaire. Préparer le renversement de l’ordre politique qui est né de la Révolution française : le récit de l’effondrement de la monarchie doit aussi servir à préparer le renversement des régimes qui, d’une manière ou d’une autre, en sont les héritiers.
Ces récits contre-révolutionnaires sont loin d’être univoques — ils sont même parfois contradictoires, quand bien même ils seraient tous unis par la condamnation de la rupture de 1789 et de ses conséquences. Celle-ci peut être appréhendée de mille manières, qui varient selon les contextes politiques, sociaux, culturels ou diplomatiques : pour le dire simplement, on n’écrit pas la contre-révolution de la même manière en 1793, en 1817, en 1879 ou en 1940. C’est pour cela que le programme de ce séminaire entend saisir des niveaux et des échelles de discours très variées sans se limiter au seul cadre français : tout comme la Révolution française, la contre-révolution est très vite sortie des frontières nationales pour toucher l’Europe entière (sans parler du reste du monde).
Programme
Mercredi 4 octobre 2023, 17 h – 19 h – Pierre Serna (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IHMC-IHRF, IUF)
L’histoire en révolution de la contre révolution
Mercredi 11 octobre, 17 h – 19 h – Baptiste Roger-Lacan (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IHMC-IHRF, IUF)
L'anecdote contre-révolutionnaire : poétique et politique dans l'œuvre de G. Lenotre
Mercredi 18 octobre, 17 h – 19 h – Andoni Artola (université du Pays Basque)
Lorsque l'attente est dans le passé. Histoire et Conservatisme en Europe du Sud (des années 1790 aux années 1870)
Mercredi 25 octobre, 17 h – 19 h – Alexandre Dupont (université de Strasbourg )
Un héros contre-révolutionnaire ? Jean Anchordoqui, contrebandier : vies et mémoires
(1806-2023 ?)
Mercredi 8 novembre, 17 h – 19 h – Edmond Dziembowski (université de Franche-Comté)
Le roman des origines de la Révolution. Complotisme et imaginaire politique contre-révolutionnaires
Mercredi 15 novembre, 17 h – 19 h – Pierre-Yves Beaurepaire (université de Nice)
« Concubines des Illuminati et dragons de Marat » (Timothy Dwight, Yale, 1798). Dynamique transatlantique des thèses conspirationnistes de l’abbé Barruel et de John Robison
Mercredi 22 novembre, 17 h – 19 h – Saori Nagasaka (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IHMC-IHRF)
Une histoire des chouans et des forêts en Normandie
Mercredi 29 novembre, 17 h – 19 h – Philippe Bertholet et Pierre Serna (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, IHMC-IHRF, IUF)
Gibert de l’Isle, conservateur ou non-révolutionnaire, un personnage frontière ?
Mercredi 6 décembre, 17 h – 19 h – Jean François Szymanski (librairie L’Alinéa, Martigues)
De la fabulation à l’affabulation de l’histoire. Livre, éditeur, éditions et anti-lumières
Jeudi 14 et 15 décembre – Colloque Zeev Sternhell
Le programme complet est disponible sur le site de l’IHMC.
Mercredi 10 janvier 2024, 17 h – 19 h – Amanda Maffei (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne / université
de Milan)
Une République sans démocratie. Pour une histoire transnationale du modèle républicain conservateur entre France, Saint-Domingue et États-Unis (1794-1804)
Mercredi 17 Janvier, 17 h – 19 h – Judith Lyon-Caen (EHESS)
L’invention d’un Balzac contre-révolutionnaire